Mon premier disque
J’ai réécouté mon premier disque ce matin.
J’imagine qu’un premier disque peut avoir une importance particulière dans une vie. Les premières fois peuvent faire cet effet. Par exemple, mon premier disque compact a été, quand j’avais neuf ans, un single chanté par Véronique Sanson, extrait d’un live au Zénith, je crois : Seras-tu là ? Je peux me rappeler l’endroit, un grand magasin de disques en région parisienne, et je me rappelle que ma tante me l’avait acheté. Je vous avoue que j’ai une mémoire déplorable alors si je me souviens de ça, c’est que ça a dû me marquer. Mon premier CD.
Je suppose que tous les fans de musique cultivent leurs souvenirs musicaux avec nostalgie, honte, fierté ou je ne sais quoi encore. De mon côté, ça n’est pas la fierté qui m’anime au souvenir de tout ça. Je n’ai pas honte de ce CD : après tout, un morceau de Michel Berger chantée par la voix de Véronique Sanson ne peut pas être un mauvais morceau et sans doute qu’une chanson qui a ponctué votre passé de manière assez agréable ne vous laissera jamais indifférent. Pourtant, ce disque marque le début d’un long suivisme musical : j’ai aimé Véronique Sanson parce qu’une amie (de ce genre d’amitié absolues de quand on est jeune…) aimait. Puis vient tout un paquet de disques – un paquet de daubes dance/dream je sais pas trop quoi – parce que c’est la mode, parce que quand on est jeune – oui, je sais qu’il y a toujours des exceptions mais ça n’était malheureusement pas mon cas : j’étais un gentil petit mouton… – on est influençable.
Ah, le rap arrive ! Je ne vais pas non plus prétendre que je n’ai pas suivi la mode vu que mon premier single rap a été un gros tube d’Akhenaton : Bad Boys de Marseille. J’entre en 5e. Donc, une fois encore, je suis la mode. Mais peut-être qu’il y a du progrès : je n’écoute pas ce que mes copines écoutent. Attention, je suis peut-être en train de développer une personnalité ! Mon attirance pour le rap dure quatre ans, durant lesquels ma collection de disques s’étoffe – oui, je commence à avoir de l’argent de poche ! –, mes premiers albums sont donc rap, dont l’incontournable Suprême NTM et d’autres, que je réécouterais volontiers aujourd’hui, même si je suis plutôt branchée rock.
Le rock, donc. Mon premier disque rock : Mystery White Boy, un live de Jeff Buckley. Je vous épargne les détails de sa découverte, vous avouant juste qu’encore une fois, j’ai suivi. J’ai 15 ans, bientôt 16. Jeff Buckley m’a ouvert les portes du rock, moi qui, deux mois auparavant, achetais la B.O. de Taxi 2, un superbe album rap, mon dernier album rap.
Pourquoi je raconte ça ? J’en sais rien, je me suis laissée emporter. Je vous parlais de mon premier disque, des premiers disques qui ont chacun marqué une période musicale de ma vie. Les premiers comptent, alors. Je ne me souviens même pas du premier disque que j’ai acheté après ma folie Jeff Buckley. Est-ce que je me souviendrai du premier disque vinyle que je me suis acheté – First Impressions of Earth, le mois dernier ? Probablement. Pourtant, je n’avais pas réalisé un truc important : First Impressions of Earth n’est pas mon premier vinyle, il n’est que le second. Le premier s’intitule Que fera la Belle ? et a été interprété par une certaine Anne, à la sortie du film Walt Disney, La Belle et la Bête. J’avais 8 ans. Je l’ai réécouté ce matin ; je connaissais le refrain par cœur. C’est tout ce dont je me rappelle à propos de ce disque. Je n’ai pas de souvenir d’achat – je n’arpentais pas les magasins de disque à l’époque –, je n’ai pas de souvenir d’écoute, devant la platine de mes parents. Je n’ai que ce souvenir instinctif : les paroles qui me viennent aux lèvres…
C’est bête : savoir que mon premier disque a été un vinyle m’a en quelque sorte émue. Moi qui me croyais de la génération CD, mp3… Encore aujourd’hui, on conçoit un attachement particulier pour les disques vinyles – ou est-ce seulement moi ? Pour les plus vieux, est-ce par nostalgie ? Pour les plus jeunes, est-ce par regret de n’avoir pas connu une époque capitale de l’histoire du rock ? Bref, encore une fois, je m’égare. Mon point de départ – putain, ce que je m’en suis éloigné ! – était seulement ces deux images miroir : cette fille de 21 ans qui s’extasie devant l’élégance d’un vinyle alors que cette même fille à 8 ans ne faisait que probablement chanter à tue-tête dans tout l’appartement, une cassette lui aurait tout aussi bien convenu.
Quand on est gamin, on ne s’embarrasse pas de ces conneries nostalgiques, seule la musique compte. J’étais plus intelligente à 8 ans. Mais les Strokes n’existaient pas quand j’avais 8 ans.